Sous-estimation de la superficie locative d’un immeuble

Dans mon blogue publié vendredi dernier, j’ai démontré que les propriétaires/gestionnaires (Bailleurs) d’immeubles non résidentiels ont avantage à surestimer la superficie des lieux loués et sous-estimer la superficie locative totale de l’immeuble (SLTI) dans lequel les lieux loués sont situés.  Aujourd’hui, nous allons voir ensemble quelques-uns des stratagèmes utilisés par les Bailleurs pour flouer les locataires relativement à la SLTI. Ces stratagèmes sont identifiés en caractères gras ci-dessous.

Les locataires toujours étonnés

Lors de la réalisation de mandats d’audit de baux, j’ai démasqué trop souvent des Bailleurs qui avaient délibérément sous-estimé la SLTI. Les locataires sont toujours renversés d’apprendre que leur Bailleur puisse agir de la sorte. C’est pourtant une réalité beaucoup plus répandue que l’on pourrait croire.

Comment s’en rendre compte?

Tout d’abord, il faut savoir que la valeur de la SLTI peut être obtenue de plusieurs sources telles que certaines revues spécialisées, des firmes de services conseils qui se spécialisent dans la collecte de ce genre d’information, des courtiers immobiliers et aussi du site web des Bailleurs. Et oui, très souvent, la SLTI publiée sur le site web d’un Bailleur est supérieure à la SLTI qu’il utilise pour le calcul de la quote-part du loyer additionnel du locataire!!! L’expérience et certains autres trucs font aussi partie de l’arsenal de l’auditeur de bail pour identifier la possibilité que la SLTI réelle pourrait être supérieure à celle utilisée par le Bailleur. Ces données provenant de sources différentes devraient alerter les locataires à l’effet que le montant de loyer additionnel facturé par le Bailleur est fort probablement surestimé. Je dis «fort probablement» car il faudra procéder à quelques vérifications plus poussées (à lire dans mon prochain blogue) pour en obtenir la certitude.

1er stratagème

Il est très fréquent que les Bailleurs omettent délibérément de définir ou de déterminer clairement la SLTI dans leur bail standard et s’ils le font, celle-ci est trop souvent inférieure à la réalité. Le locataire prend souvent conscience de cette superficie seulement lorsqu’il reçoit pour la première fois l’ajustement annuel du loyer additionnel de son Bailleur, communément appelé la «13^e facture». Qui plus est, il arrive que cette superficie soit modifiée sur les «13^e factures» des années subséquentes ce qui est plutôt surprenant car la SLTI ne devrait pas varier à moins de changements majeurs à l’édifice.

2e stratagème

Il arrive qu’un locataire, directement ou par mon entremise, demande à son Bailleur de produire le certificat de mesurage total de l’immeuble afin de prouver la SLTI.  Le problème, c’est que dans la presque totalité des cas que j’ai vécu en pratique, le Bailleur adopte la mauvaise attitude de ne pas fournir le document en prétextant que celui-ci est introuvable ou n’existe pas!!! Sachez que ceci est à toute fin pratique impossible et voici pourquoi : 

• Avant même d’acquérir un immeuble, lors de l’exécution de sa vérification diligente, le Bailleur s’assurera d’obtenir un certificat de mesurage complet de l’immeuble pour en connaitre la SLTI car celle-ci, combinée à d’autres informations pertinentes, aura un impact sur le montant qu’il sera prêt à débourser pour l’acquisition de l’immeuble.
• La très grande majorité des baux en vigueur aujourd’hui prévoient le mesurage des espaces locatifs selon la norme BOMA 1996 ou une version plus récente de la norme. Même si votre bail prévoit une méthode différente ou plus ancienne, il est fort probable que pour d’autres locataires de l’immeuble, BOMA 1996 s’applique. Pour mesurer la superficie locative d’un locataire selon ces normes récentes, le Bailleur n’a d’autres choix que de faire mesurer la totalité des espaces de son immeuble.
• Votre Bailleur opère dans le domaine de l’immobilier et la SLTI est une donnée capitale et de la plus haute importance pour lui. Sinon, ce serait comme si un fabricant automobile vendait un véhicule sans savoir si son prix de revient est supérieur ou inférieur au prix de détail suggéré!!!
• Le coût de certains contrats d’exploitation que le Bailleur accorde à des fournisseurs dépend de la SLTI.
• La SLTI est nécessaire pour la fonction «location», pour déterminer la superficie des espaces locatifs et pour la gestion des revenus locatifs de l’immeuble.
• Un Bailleur compétent, cherche par tous les moyens à rentabiliser l’exploitation de son immeuble. Il doit donc savoir où sont chacun des pieds carrés afin de maximiser ses revenus.

Il existe bien sûr d’autres raisons pour expliquer la nécessité pour un Bailleur de connaître la SLTI. C’est donc une donnée trop vitale pour qu’un Bailleur puisse s’en passer. Si votre Bailleur tente de vous faire croire qu’il n’a pas cette information, n’en croyez pas un mot.

3e stratagème

Un autre truc que les Bailleurs aiment utiliser pour éviter de produire un certificat de mesurage est de faire peur au locataire en lui laissant miroiter que s’il doit effectuer le mesurage de l’immeuble, il se pourrait que la nouvelle SLTI soit inférieure à celle que le Bailleur utilise déjà, ce qui serait défavorable au locataire. Encore une fois ne vous laissez pas berner. Comme nous l’avons vu ci-haut, le Bailleur a assurément déjà l’information en main et croyez-moi, si celle-ci lui était favorable, le Bailleur aurait déjà ajusté ses calculs en conséquence.

4e stratagème

J’ai aussi vécu des situations où des Bailleurs se repliaient sous un soi-disant argument de confidentialité de l’information pour ne pas produire un certificat. Ce genre d’argument est tout simplement une insulte à notre intelligence puisque l’information est disponible de plusieurs sources que souvent le Bailleur a lui-même diffusé dans le marché. De toute façon, ce genre d’information a très peu de raison d’être considéré confidentielle. Règle générale, un Bailleur aime bien pavaner par rapport à la grosseur de son portefeuille immobilier, peu importe sa taille réelle.

Quelque chose à cacher?

Si votre Bailleur refuse, tergiverse ou procrastine à vous donner un certificat de mesurage de l’immeuble, dites-vous qu’il a sûrement quelque chose à vous cacher. Après tout, s’il n’a rien à cacher il n’a aucune raison de refuser la demande.

Prochain blogue

Lors de mon prochain blogue qui sera diffusé jeudi le 29 mars, nous aborderons le sujet de la superficie locative des lieux loués par les locataires et nous verrons comment ceux-ci peuvent se prémunir d’être floués par leur Bailleur relativement aux diverses mesures d’un immeuble.

Vous suspectez que la SLTI est sous-estimée?

Si c’est le cas, n’hésitez-pas à me faire part de vos commentaires dans la section prévue à cet effet au bas de cette page.